HISTOIRE DE L'INSTITUTION SAINT-JACQUES HAZEBROUCK ENTRE 1893 et 1993 
d'après le livre de  Roger Renou:"Une histoire centenaire"
Année 1890
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1890 -L’ANNÉE DE LA DÉCISION

C'est le 13 mai 1890, le Conseil Municipal a tranché l’importante question.
Alors que celui-ci était lié à l’Université par un engagement décennal souscrit en 1881, il fallut attendre l’expiration de cette période pour aborder les réformes réclamées par l’ensemble de la population.

LE CONSTAT D'ÉCHEC DE L'ÉCOLE PUBLIQUE 

  En effet, en consultant les tableaux d’effectifs des élèves du collège, il avait été constaté que ceux-ci étaient en constante diminution, d’une part le nombre d’élèves internes était réduit à sa plus faible expression puisqu’on n’en comptait plus qu’un seul ; d’autre part le nombre d’élèves externes diminuait d’année en année : de 117 en 1883, l’effectif était passé à 85 élèves en 1890, dont douze boursiers admis à suivre gratuitement les cours.

    En 1884, le conseil municipal examinait les comptes de l’année précédente et s’étonnait du dépérissement du collège, naguère très prospère à une époque où, dirigé par un Ecclésiastique, il comptait plus de cent cinquante élèves internes et plus de cent externes.

    A partir de 1885, alors que le budget consacré au collège tendait à s’accroître d’année en année en raison de dépenses immotivées, le conseil municipal invitait M. le Maire à négocier avec les autorités académiques pour la session budgétaire de l’année suivante, afin d’y apporter les mesures nécessaires. Mais hélas, liée par cet engagement décennal souscrit en 1881, la municipalité était impuissante à modifier cette fâcheuse situation, et dut attendre le mois de décembre 1890, date de l’expiration de la période décennale, pour aborder les réformes réclamées par l’ensemble de la population.

LA DÉCISION DU CONSEIL MUNICIPAL

    Cette affaire du collège communal faisait grand bruit, et c’est le 13 mai 1890 que le conseil municipal décida de ne pas renouveler le traité le liant avec l’Etat pour une nouvelle période décennale.

    Courant avril 1890, dans le cadre d’une proposition par l’Etat d’un nouvel engagement décennal, les desseins de l’Université faisaient apparaître une nouvelle augmentation des charges pour la ville : celles-ci passeraient de 15.000 francs à 18.500 francs. Le conseil repoussa à l’unanimité cette proposition et fut d’avis de ne pas renouveler l’engagement vis-à-vis de l’Université et de l’Etat.
    Le conseil municipal fut d’avis également que, dans l’intérêt des familles, de la ville, et de toute la région, il était indispensable de conserver à Hazebrouck un établissement d’enseignement secondaire et de s’efforcer de le rendre prospère.

    La ville d’Hazebrouck devenue plus que jamais, grâce aux facilités de communication, le point central de l’arrondissement tout entier, il était légitime qu’elle retire de cette situation tous les avantages possibles.
   
Le conseil municipal s’est alors posé la question de savoir si le seul moyen de retrouver pour le collège communal son ancienne vitalité n’était pas de faire appel au dévouement d’un personnel ecclésiastique.

C’est à l’unanimité que cette proposition fut retenue. Le conseil municipal de conclure : il suffit de jeter un coup d’oeil sur les différentes villes qui nous entourent ; partout les collèges sont confiés à un personnel ecclésiastique et ils jouissent d’une grande prospérité : Bailleul, Merville, Estaires, Bergues, Les Dunes (Dunkerque), St-Jude (Armentières), les collèges de Roubaix et Tourcoing qui viennent de renouveler leur engagement avec leur ville ont tous un nombre d’élèves considérables.

Suite à cette décision, le conseil municipal fit aussitôt les démarches. D’abord auprès de M. le chanoine MASSART, vicaire général et secrétaire général de l’Archevêché, en second lieu auprès de l’ancien supérieur du collège de Gravelines, M. l’Abbé DENYS, alors curé de Renescure, qui d’emblée voulut bien se mettre à la disposition de la ville pour restaurer le collège et en faire avec le temps un établissement prospère.

Les réponses aux démarches furent les suivantes:

Cambrai le 27 mai 1890

Au nom de M. l’Archevêque

et à

M. le Maire d’Hazebrouck

En réponse à votre lettre du 13 mai courant, je suis chargé de vous adresser, au nom de Monseigneur L’Archevêque, la communication suivante .

Cédant aux instances que vous avez faites auprès d’Elle, sa Grandeur ne s’oppose pas à ce que la direction du collège communal d’Hazebrouck soit confié, dans la mesure que vous jugerez convenable, à un ecclésiastique du diocèse, pourvu qu’il se présente à Elle, muni de bonnes références.

A. Massart ,

Secrétaire général de l’Archevêché

 

 


Renescure le 1 juin 1890

M. l’Abbé Denys

à

M. le Maire d’Hazebrouck

 

M. le Maire , vous m’avez demandé quelle est ma pensée sur le projet de transformation du collège communal d’Hazebrouck et si j’acceptais la direction de l’établissement.

Je suis convaincu que le collège communal, confié à un ecclésiastique, reprendrait rapidement sa prospérité d’autrefois. Je suis trop dévoué à la jeunesse et à la ville d’Hazebrouck pour ne pas accepter votre proposition et je deviendrai par suite le supérieur du collège communal si votre conseil veut traiter avec moi et si M. l’Archevêque ne s’y oppose pas. J’entrevois bien des difficultés inévitables dans un début; mais je crois être familiarisé avec ce genre de difficultés, j’ai passé 20 ans dans
l
’enseignement et j’ai été à Gravelines dans une situation semblable à celle qui m’est offerte, j’y ai relevé une maison qui, en peu de temps, est devenu prospère et dont les succès aux examens ont été constants.

J’espère obtenir le même résultat avec le collège d’Hazebrouck où deux établissements ecclésiastiques ne peuvent nuire puisque le but poursuivi n’est pas le même et que le petit Séminaire s’applique à recueillir les vocations sacerdotales.

Votre très-humble serviteur,

Abbé Denys Curé

 

LES TRACTATIONS ET LES EMBÛCHES AVEC LES AUTORITÉS ACADEMIQUES

Mais les réactions de l’Académie ne se firent point attendre:

Lille, le 25 juin 1890

M. le Recteur d’Académie

à M. le Maire d’Hazebrouck

        Monsieur le Maire, j’ai appris par la presse que le conseil municipal avait décidé, par une récente consultation, de repousser les propositions que lui fait l’Etat pour le renouvellement du traité décennal le liant au collège communal, et de confier la direction de ce collège à un ecclésiastique. Si je m’en porte au compte rendu, j’ai lieu de croire que, au cours de la réunion du conseil, vous auriez, M. le Maire, fait ressortir l’augmentation des dépenses que l’Etat réclamait à la ville d’Hazebrouck pour le collège, puis demandé à vos conseillers s’ils consentaient à cette augmentation et, sur leur avis, avez proposé un traité avec M. l’Abbé Denys, traité qui a été immédiatement accepté.

Permettez-moi de vous faire observer, M. le Maire, que les propositions du Ministre de l’Instruction Publique n’avaient rien d’impératif, qu’il permettait au maire et au conseil municipal de discuter et de faire des contre-propositions, même il était convenable d’agir ainsi. J’aurais examiné ces contre-propositions avec le vif désir de trouver un terrain d’entente avec la ville d’Hazebrouck. Et avec un peu de bon vouloir de part et d’autre y aurions-nous réussi.

Enfin, si je ne me trompe, d’après le traité que la ville d’Hazebrouck se propose de passer avec M. l’Abbé Denys, les classes du collège n’iraient que jusqu’à la troisième.

Le Recteur.

A. COUAT .

 

 

Hazebrouck le 5 juillet 1890

M. DEGROOTE Maire

à M. le Recteur

Monsieur le Recteur

Je suis fort surpris que vous ayez été informé uniquement par la presse de la décision prise par le conseil municipal d’Hazebrouck concernant le non renouvellement du traité relatif au collège communal.

La délibération date en effet du 13 mai. Dès le lendemain, M. Bourdier principal du collège en était avisé par moi même, et le 5 juin une expédition était déposée à la sous-préfecture afin de satisfaire tout d’abord à la démarche et de permettre en même temps à M. le Sous-Préfet d’Hazebrouck d’en référer après lecture aux autorités compétentes.

         Dans ces conditions vous reconnaîtrez, M. le Recteur que la mairie d’Hazebrouck avait pris toutes les dispositions nécessaires pour que vous fussiez averti, et non seulement par voie de presse, question qui vous préoccupe, et qui fait redouter vos bienveillantes critiques. En se référant au texte de la délibération du conseil que je vous ai fait parvenir, vous verrez que le conseil municipal d’Hazebrouck a mis toutes les conditions désirables pour trancher une question de cette importance.

Une commission de six membres, à été constituée ; celle-ci s’est entourée de tous les éléments nécessaires et a voté à l’unanimité les décisions qui ont été ratifiées par le conseil municipal. Les propositions faites par l’administration qui paraissaient avoir un caractère sérieux ont été soumises à mes collègues telles qu’elles ont été communiquées, et il n’est venu à l’idée de personne de proposer à l’administration municipale d’entrer en pourparlers avec quiconque pour obtenir un rabais de quelques milliers de francs.
Le Maire,

G. DEGROOTE

 

 

Lille le 8 juillet 1890

M. Le Recteur A. COUAT

à

M. Le Maire d’Hazebrouck

Monsieur le Maire,

 

J’ai reçu au moment de partir pour une tournée de quelques jours la lettre du 5 juillet que vous avez bien voulu m’écrire. Je n’essaierais pas de contredire les raisons qui vous ont déterminé depuis longtemps, avant même d’avoir reçu les propositions du ministre, à contracter un engagement avec l’Archevêché. Il ne me conviendrait pas et il serait tout à fait inutile de discuter vos préférences pour l’enseignement congrégationniste. Je crois devoir seulement, en vous accusant réception de votre lettre, réserver les droits de l’Etat et vous rappeler qu’en tout cas, et quoi qu’il arrive, l’engagement décennal expire le 31 décembre 1890, et le collège communal sera au moins jusqu’à cette date confié à l’université.

 

Le Recteur,

A. COUAT

 

 

Hazebrouck le 12 juillet 1890

M. le Maire d’Hazebrouck

à

M. le Recteur

 

Monsieur le Recteur,

 

Vous voulez bien me rappeler dans votre lettre du 8 courant que l’engagement décennal expire le 31 décembre 1890 et que par suite le collège communal sera en tous cas jusqu’à cette date confié à l’université.

A ce sujet veuillez me permettre quelques observations.

Lorsque j’ai reçu dans le courant du mois de mai dernier les propositions de l’Université et de l’Etat j’ai pensé, et le conseil municipal a pensé comme moi, que votre administration désirait être fixée avant l’ouverture de l’année scolaire 1890-1891 qui débute en octobre 1890 si je ne me trompe. Vous n’en doutez pas, M. le Recteur, la question de principe dominait toute cette consultation et elle a été posée par moi-même à la commission et au conseil municipal, en ces termes.

Y a-t-il intérêt pour la ville d’Hazebrouck, et pour ses familles surtout, à renouveler l’engagement décennal avec l’Etat ?

Vu l’expérience qui vient d’être faite pendant les dix dernières années, il n’est plus à démontrer qu’un nouvel engagement avec l’Université et l’Etat aboutirait infailliblement à des résultats aussi peu satisfaisants que ceux précédemment obtenus. C’est suite à ce constat que le conseil a décidé à l’unanimité, tout en remerciant M. le Recteur et M. le Préfet de leurs avis, qu’il y avait lieu de maintenir purement et simplement les décisions des délibérations du 13 mai 1890.

Le Maire

G. DEGROOTE

 

LUNDI 4 AOUT 1890 REMISE DES PRIX AU COLLÈGE COMMUNAL

    Monsieur GAUDIER, inspecteur, avait été chargé de présider la cérémonie, Monsieur LOTTE, Sous-Préfet, était absent. La municipalité de son côté avait cru que, vu les circonstances du moment, elle devait également s’abstenir. Dans un discours auquel tout le monde s’attendait l’Académie prit sa revanche des décisions du conseil municipal. La corvée, il faut bien le dire, fut rude pour M. l’Inspecteur et, sans être téméraire, nous sommes convaincus qu’il n’a pas dû être satisfait, pas plus que son auditoire, de la façon dont il s’en est tiré !

Il y a longtemps du reste que les discours académiques étaient qualifiés comme ils méritaient de l’être : « DU SON , DU VENT ET PUIS C’EST TOUT ».
En attendant, le conseil municipal avait exaucé le voeu de tout le monde en permettant enfin à la population de voir disparaître cette lamentable et coûteuse ruine, fruit amer de l’engagement décennal avec l’Etat. Les meilleurs discours de M. l’inspecteur ne changeront pas l’opinion de la population d’Hazebrouck.

LE 2 OCTOBRE 1890 DERNIÈRE RENTRÉE AU COLLÈGE COMMUNAL

Le collège se trouvait dans une lamentable situation et étalait ce scandaleux spectacle d’une poignée d’élèves ne dépassant pas la vingtaine absorbant le temps, les facultés et les traitements d’une douzaine de professeurs.

Une revue de presse de l’époque informe en gros titre :

LES LAÏCISEURS SONT STUPÉFAITS ET FURIEUX 

Les effectifs de rentrée dans les collèges de l’État sont désastreux et accusent dans toute la France une diminution notable, tandis qu’il y a une très grande augmentation dans les établissements libres ou religieux. Déjà, au mois de mai 1890, le ministre de l’Instruction Publique adressait à tous les proviseurs des lycées la circulaire confidentielle suivante, suite à une enquête sur le sujet :
  « Le chiffre de la population scolaire des lycées a subi, depuis quelques années, une diminution des effectifs. Cette situation doit appeler votre sollicitude, et il importe d’en rechercher les causes pour y remédier, s’il est possible».

Une autre information publiée par le journal "le MATIN", journal Républicain et anti-clérical, à l’aide de renseignements personnels, donne d’intéressants détails sur les résultats de cette enquête.

Celle-ci révèle d’après les informations venues des quatre coins de la France universitaire que : « le mal est grave et [que] les lycées se dépeuplent ». On cite, chiffres à l’appui : 

« dans les plus grandes villes de France » BAR-LE-DUC a perdu plus de 100 élèves, LOUIS LE GRAND 60, NANTES 50, même à PARIS, les effectifs sont en décroissance.
Les causes principales signalées :
la prospérité factice des lycées, celle-ci était due uniquement aux largesses du budget, mais avec la pénurie d’argent, les faveurs sont devenues moins nombreuses ! L’aveu est assez piquant, venant surtout de source semi-officielle. 
Mais la grande cause c’est la concurrence religieuse. D’ailleurs beaucoup de Proviseurs se plaignent que des fonctionnaires les plus élevés du gouvernement qui, soucieux avant tout d’assurer une éducation plus soignée à leur enfants, ne se gênent pas de confier ceux-ci à des établissements libres.

Des exemples sont cités : M. le Maire de Reims, ses adjoints, des magistrats, des mandataires élus, un conseiller général de l’Yonne deux  jours après son élection où il revendiquait la séparation de l’Église et de l’État ; à Paris plus de cent hauts fonctionnaires et un inspecteur de l’université, tous ont agi de la même manière en inscrivant leurs enfants dans des établissements libres.

Partout où ils le peuvent les Républicains réagissent durement : ici un pauvre cantonnier, là un malheureux facteur , qui avait inscrit leur fils chez les frères, leur fille chez les soeurs, sont révoqués d’un trait de plume.

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